Après le rejet par le comité confédéral national (CNN) du projet de traité, soumis en juin à référendum, contre l'avis du secrétaire général Bernard Thibault, c'est la toute structure CGT qui se trouve sur la sellette.
Le conflit entre la direction, élue par la base des syndicats lors du Congrès, et les cadres du CNN est désormais ouvert.
Reste aujourd'hui à savoir qui des deux camps peut s'exprimer
au nom de la confédération. Pour la numéro 2 de la CGT, Maryse Dumas,
il faut bâtir des règles qui respectent l'opinion des adhérents
les plus nombreux
.
Sur la question européenne et le rapport au politique, la direction de la CGT essuie là un échec majeur face à des organisations qui associent revendications sociales et contestation d'une Europe sous hégémonie libérale.
Le débat n'a intéressé qu'une infime partie des adhérents, la
frange la plus politisée. 95% d'entre eux n'y ont pas
participé
, constate Bernard Thibault. Ce qui ressort peu à peu,
c'est l'opposition entre le secteur public, très mobilisé, et
le privé, plutôt indifférent à l'enjeu.
Dans un climat de grogne sociale basée sur le refus des délocalisations, la défense des services publics et des 35 heures, soutenir la Constitution européenne s'avère être un exercice délicat pour les organisations syndicales.
Bernard Thibault va se trouver dans une position inconfortable lors de
la manifestation européenne des syndicats, le 19 mars. Difficile en
effet pour la CGT, désormais étiquetée dans le camp du non
,
d'assurer une participation sans accroc à cette manifestation où
seront présents une majorité de syndicats européens partisans du
traité. Publié le 10/02 à 20:23 Bernard Thibault fragilisé
En recommandant de rejeter la Constitution européenne, le comité confédéral national (CNN) de la CGT, parlement du syndicat composé de tous les responsables départementaux et de branches professionnelle, a ravivé une fracture entre la direction du syndicat et les salariés qu'il représente.
La ligne moins contatestataire que tente d'imposer Bernard
Thibault depuis son élection, en 1999, à la tête du syndicat, se
trouve à travers ce désaveu, fortement remise en question. La crise
actuelle dépasse assez largement le cadre de la seule question
européenne. Ce sont tous les statuts de la CGT qui tremblent sur leurs
fondations
, reconnaît un membre du syndicat.
Reconnaissant que son organisation n'avait pas bien préparé le
rendez-vous
sur le débat européen, M. Thibault a appelé à un
renouvellement des méthodes et pratiques
de son syndicat à tous
les niveaux de l'organisation
.
Le travail préparatoire pour engager ce débat avec les syndiqués
aurait nécessité un autre niveau d'engagement de la direction
confédérale
, a-t-il reconnu, se livrant pour la première fois à
une autocritique.
Le leader de la CGT a rappelé que son syndicat ne donnait pas de
consigne de vote
pour le référendum national sur le projet de
Constitution européenne. Il a refusé de dire ce qu'il voterait
lui-même, de manière à ne pas instrumentaliser (sa) position
personnelle dans un débat plus large
.
Notre appréciation syndicale ne doit pas être mise au service de
quelque parti ou stratégie politique que ce soit
, a insisté le
secrétaire général qui a tenté de minimiser l'impact de la crise,
en jugeant que les soubresauts de ces derniers jours rendaient
nécessaire d'amplifier les évolutions de la CGT
.
Quant au contenu du traité, M. Thibault a relevé certaines
avancées
, en particulier sur les droits sociaux
fondamentaux
, mais, a-t-il ajouté, le texte fait une part très
importante aux politiques libérales en Europe, il y a un risque
important de régression sociale
.
C'est la raison principale pour laquelle ce traité est
majoritairement considéré dans nos rangs comme plutôt négatif que
positif
, a-t-il analysé.
Le Comité confédéral national (CCN), avait rejeté jeudi 3 février le traité constitutionnel européen, infligeant un désaveu à la direction, soucieuse de conserver une relative neutralité dans le débat.
Après en avoir débattu mardi 8 février, la commission exécutive a
affirmé que la décision du CCN sur l'Europe constituait le bien
commun de toute la CGT
et qu'elle devait être relayée dans
son intégralité
.
La commission exécutive a confirmé la légitimité de Bernard Thibault
et de la transformation réformiste
qu'il incarne depuis son
accession au secrétariat général en 1999.
Avec deux camps bien identifiés, celui des réformistes
de
Bernard Thibault et celui des conservateurs contestataires, les
adhérents de la CGT, ses cadres et ses dirigeants ont désormais un an
pour débattre avant le Congrès. Le résultat du référendum sur la
Constitution renforcera l'un des deux courants. Le 48e Congrès
avancé après la crise - Bernard Thibault veut relancer la démocratie
interne et occuper le terrain -
S'appuyant sur une équipe qui semble s'être ressoudée autour de son secrétaire général, en pleine la tempête, Bernard Thibault compte poursuivre ses efforts pour émanciper davantage la CGT du politique. La direction n'entend pas non plus relâcher son action pour décloisonner des structures en vue d'élargir le champs de la démocratie interne, selon des sources syndicales.
Ces sujets seront au centre du Congrès de la CGT, prévu en février ou
mars 2006, à une date anticipée de quelques mois. L'hypothèse
d'un congrès extraordinaire a ainsi été écartée, la direction
souhaitant désormais ne pas dramatiser
sans pour autant
minimiser
les désaccords, selon l'expression de
Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral.
Le leader de la CGT, désireux de donner à l'organisation des
outils permettant de consulter tous les syndiqués
, a indiqué que
cet enjeu serait au centre prochain congrès. Son objectif : faire
évoluer les structures, les modes de fonctionnement et de financement
des organisations
et réfléchir à la finalité de syndicat
indépendant
de la CGT.
M. Thibault juge également primordial de poursuivre le travail de
mobilisation des salariés sur leurs revendications
en matière
d'emploi, de salaires et de temps de travail après les importantes
manifestations unitaires de samedi.
Il a ainsi indiqué souhaiter débattre avec les autres
confédérations d'une nouvelle journée d'action
combinant arrêts de travail et manifestations dans les prochaines
semaines
, pour faire pièce à l'intransigeance
gouvernementale et patronales
. L'Europe divise les syndicats
français
Durablement divisé, le mouvement syndical français apprécie différemment le traité constitutionnel européen. Alors qu'elles hésitaient à donner à leurs militants une consigne de vote pour le prochain référendum, la plupart des organisations sont aujourd'hui amenées à prendre position.
La crise déclenchée à la CGT témoigne des désaccords qui agitent les syndicats sur le sujet.
Même à la CFDT, qui s'est déclarée à une large majorité en
faveur de la future Constitution en raison des progrès sociaux
qu'elle permettra de réaliser
, des adhérents ont décidé de
militer contre le traité dans certaines régions ou dans certaines
fédérations.
Très critique sur la construction européenne, Force ouvrière a choisi
de tenir sa ligne d'indépendance syndicale
et de ne pas
donner de consigne de vote, comme il l'avait fait pour le traité
de Maastricht en 1992 et lors du deuxième tour de l'élection
présidentielle de 2002, alors que toutes les autres organisations
appelaient à contrer le Front national.
A la FSU, en profond désaccord
avec le projet, la question de
savoir s'il faut ou non donner une consigne de vote fait toujours
débat et sera reposée en avril.
A l'Unsa, globalement favorable au traité, la question de la consigne de vote pourrait être tranchée en congrès, en mars.
Quant à la CFTC, elle a choisi de dire clairement oui au progrès
social
, en jugeant que le traité proposé apporte un certain
nombre d'avancées pour les salariés en matières sociale et
économique
.
En octobre, la Confédération européenne des syndicats (CES) a voté en faveur du traité, avec le soutien de la CFDT et de l'Unsa. La CGT et la CFTC s'étaient abstenues et FO avait voté contre.